Extrait du livre "Les années révolutionnaires à Boux sous Salmaise":
Le dimanche 7 février 1790 les syndics en activité (Jean Arbey tanneur, Jean Bernard cultivateur à Boux, Vincent Cariot cultivateur à Présilly, Jacques Thibault cultivateur aux Bordes, Bernard Robin cultivateur à Bouzot) mettent à exécution la loi du 14 décembre. Les citoyens actifs sont appelés à se réunir dans l'église paroissiale Saint-Sulpice en tout début d’après-midi pour élire le maire du village, il ne s’agit pas d’une assemblée générale des villageois car en 1790 la qualité d'électeur, de citoyen actif, est réservée à celui (les femmes sont exclues) qui est autonome financièrement et donc en pratique propriétaire et qui paie au minimum 3 livres d’impôt, les domestiques par exemple ne peuvent donc pas voter. A cette date il y a 115 citoyens actifs à Boux, un gros tiers des individus adultes, parmi eux 85 sont éligibles et les électeurs présents en ce 7 février sont au nombre impressionnant de 99, une participation électorale de 86% ; ils débattent avec les candidats déclarés en leur sein qui sont 9 dont le curé du village, Antoine Benoit, qui participe à cette assemblée et en établit d'ailleurs le procès-verbal. Les présents désignent parmi eux trois personnes qui seront responsables de l'organisation et de la régularité du scrutin, ce seront les 3 personnes les plus âgées. Après vote la présidence du bureau de vote est confiée à Antoine Benoit, prêtre de la paroisse.
Paroles du président : ‘Faites votre choix sur ceux qui ont respecté vos propriétés, sur ceux assez fermes et vigoureux qui sont à l’abri de la séduction, sur ceux qui se sont montrés dans tous les temps le soutien du pauvre, de la veuve et de l’orphelin, les amis de l’ordre et de la sagesse…’ Les préparatifs et les premiers débats s’étant poursuivis jusqu'à une heure tardive le vote pour désigner le maire est reporté au lendemain.
Le lendemain lundi 8 février à 8 heures du matin commencent les opérations de vote. Un premier tour donne 45 voix à Jean Arbey, 33 en faveur de Claude Pignot (chirurgien) et 10 en faveur du curé, la majorité absolue étant de 50 voix un second tour est nécessaire. Au tour suivant, un peu avant midi, le scrutin désigne Jean Arbey, alors âgé de 30 ans, comme maire de Boux, il accepte le mandat. Sur 99 votants Jean Arbey a obtenu 59 voix, tandis que Claude Pignot en a eu 25 et le curé 10. Il y avait 5 autres candidats qui n’obtiennent qu’une seule voix chacun, la leur sans doute : Charles Arbey (cultivateur à Boux), André Arbey (cultivateur à Bouzot), Jean Baptiste Versey (avocat à la cour), Claude Belin (cultivateur à Boux) et François Perrot (notaire). Cette élection est un choix de continuité mais aussi de confiance dans le changement politique en cours puisque Jean Arbey était syndic dans l’administration précédente et aussi une personne ayant activement participé à la rédaction des cahiers de doléances un an plus tôt. Jean Arbey est, en dehors des nobles, un des plus gros propriétaires fonciers de la commune, il est né à Boux le 12 juillet 1759 où il décédera le 20 janvier 1828, il est tanneur et est marié à Marie Lombard, fille de Nicolas Lombard, le riche marchand de Jailly les Moulins
Les électeurs s'en vont déjeuner puis reviennent à 13 heures pour nommer les 5 officiers qui assisteront le maire dans la conduite des affaires de la municipalité. Le scrutin désigne Jacques Lombard, âgé de 32 ans, cultivateur du hameau de Bouzot (90 voix), Jacques Thibault, âgé de 67 ans, du hameau des Bordes (80 voix), Claude Thibault, âgé de 67 ans, cultivateur à Boux (60 voix), Charles Richard, âgé de 55 ans, du hameau de Presilly (58 voix) et Charles Arbey, âgé de 35 ans (57 voix).
A l’exception de Jacques Lombard ce premier conseil municipal est constitué de personnes dont les revenus sont tous situés au-dessus de la moyenne du village.
Pour se conformer au décret de l'Assemblée Nationale il faut maintenant élire celui qui, comme procureur de la commune, sera chargé de défendre les intérêts de la communauté villageoise. Ce vote pour des raisons d'horaire est reporté au lendemain matin. Claude Belin l'aîné fut élu au premier tour mais il refusa la charge prétendant n’être pas capable de l'assumer. Il fallut ensuite 3 tours de scrutin pour finalement élire Bernard Belin (cultivateur aux Bordes âgé de 57 ans) procureur de la commune. Là encore c’est un notable plutôt aisé qui est choisi, un gros propriétaire foncier, cependant Bernard Belin fut un révolutionnaire rural actif, notamment au sein du Comité de Surveillance.
Le scrutin pour choisir les notables devant former le Conseil Général eut lieu le dimanche 14 février. Furent élus Nicolas Guignard (74 voix), Nicolas Personnier (71 voix) vigneron à Boux, François Michard (66 voix) menuisier à Boux, Vincent Cariot (59 voix) cultivateur à Présilly, Charles Robin (59 voix) charpentier à Boux, Jacques Culmet (54 voix), Claude Verrier (53 voix) cultivateur à Présilly, Jean Baptiste Lacoste (50 voix), Denis Cariot (46 voix) tailleur de pierres à Présilly, Jacques Fournier (44 voix) cultivateur à Boux, Jean Baptiste Versey (34 voix), Jean Bizot (34 voix) cultivateur à Présilly. Au final toutes les entités territoriales composant la commune étaient correctement représentées dans les instances municipales.
Le Conseil Général se réunit pour la première fois le dimanche 28 février et décide de deux nominations : Jacques Arbey est nommé Trésorier de la commune et Jacques Vallerot (jardinier) sera sergent de police (garde champêtre).
Un formidable pas politique vient de s’accomplir, une incroyable nouveauté démocratique vient de porter les citoyens de Boux, en toute indépendance, à l’administration de leur commune. La Révolution qui commence est à créditer de ce geste fondateur de la démocratie locale.